11/09/2025 legrandsoir.info  5min #290071

Le vocabulaire perverti : qui nous dicte nos mots ?

Colette BERTHÈS

Le texte ci-dessous portant sur certains mots employés en parlant d'Israëll et de la Palestine n'engage que moi. Chacun et chacune décide de son vocabulaire. Le principal est de savoir d'où on parle, pour qui et pour quoi... et sous quelle influence.

Les mots sont plus que des mots, ils habillent des idées, font passer des messages, convainquent, démontrent, travestissent, trahissent... En ce qui concerne Israël et la Palestine les mots sont sournois, ils semblent clairs : « tout le monde les utilise entend-on souvent - médias et politiques en tête, nous-mêmes parfois - et tout le monde les comprend ». C'est bien là le problème : ce « tout le monde » a été et est orienté, manipulé, formaté... par des mots et expressions mille fois dits et répétés sans jamais être interrogés (car autorisés à être dits) par ceux qui ont le pouvoir de les imposer.

L'habile communication impulsée par le sionisme dès sa naissance puis développée par l'état d'Israël (et ses amis) a partout imposé sa manière de raconter l'Histoire et d'inventer des histoires en traficotant le vocabulaire et en glissant partout ses mots. Les États « du monde libre » (d'autres aussi sans doute) y ont adhéré surtout après le génocide des Juifs d'Europe par les nazis et leurs soutiens européens.

Peu de gens croient encore à « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », formule de A. Keith, membre du clergé d' Écosse (« La terre d'Israël selon l'alliance avec Abraham, Isaac et Jacob » 1843), formule récupérée ensuite par le mouvement sioniste. Mais l'explication sioniste, très efficace, - la hasbara- a depuis longtemps pris le relais. Alors pour celles et ceux qui luttent pour les droits des Palestiniens, voici déjà une liste de mots/ expressions que je m'interdis et en expliquant pourquoi chaque fois que je les entends ou les lis, énoncés par celles et ceux qui soutiennent les droits du peuple palestinien.

Indépendance de l'état d'Israël : Ben Gourion, le 14 mai 1948, a fait une « Déclaration d'établissement de l'État d'Israël » qui, ensuite, pour la communication sioniste, interne et externe, est devenue « indépendance de l'État d'Israël ». Or l'état d'Israël, nouvellement créé, n'a jamais été colonisé et n'a jamais eu à se libérer d'un colonisateur sauf à accepter le postulat que la Palestine soit occupée depuis plus de 2000 ans par divers envahisseurs, les Arabes en dernier (entre 634 et 636).
D'où les Arabes d'Israël : pour Israël, les habitants autochtones de la Palestine sont donc des Arabes locataires temporaires venus occuper la terre juive et ils doivent retourner dans leur pays, hors « d'Eretz Israël ». Exit les Palestiniens car comme l'a dit Golda Meir en 1969 « les Palestiniens n'ont jamais existé ».

État hébreu : un mot qui renvoie à l'éternité d'Israël et au fait que cet État moderne est le descendant des Hébreux (dont on n'a guère de traces) ce qui légitime la « résurrection » d' Israël sur ses terres.

- La guerre des six jours a une connotation miracle (dieu a créé le monde en 6 jours s'est reposé, satisfait, le 7éme, exactement comme l'ont fait les armées d'Israël qui ont rétabli, en six jours Eretz Israël sur sa terre). Comme dans la Bible, David (4ème armée du monde) a vaincu Goliath. L'ONU, les diplomates et les historiens et chercheurs sérieux disent guerre de juin 1967 Idem pour « guerre du kippour » guerre d' octobre 1973

Ce processus est renforcé par l'emploi, dans les pays occidentaux, de mots empruntés au vocabulaire hébreu et passés dans le langage courant, renforçant l'idée que ces mots recouvrent des institutions uniques, à part ; peu de gens, même des plus avertis, voient ce qu'ils cachent

- Knesset pourquoi ne pas dire en bon français parlement israélien ?

- Tsahal mot courant même chez les amis des Palestiniens. Acronyme de Forces de Défense d'Israël (ce qui signifie que l'armée israélienne se défend toujours mais n'attaque jamais). Tsahal est employé en Israël comme un mot sympa, une sorte « de doudou », les enfants dès l'école maternelle en sont bercés (voir l'excellent doc israélien Innocence, sur le suicides de jeunes appelés) : Tsahal est garante de leur sécurité, les élèves font des quêtes pour ses soldats, ils y serviront, longtemps, et en seront tributaires à vie. Alors dire : armée israélienne (pour rester neutre) ou armée d'occupation (si on revendique son engagement)

Au risque de choquer, voici un mot qui peut diviser - shoah- (pas aussi ancien qu'on pourrait le penser) que « tout le monde » (dans les pays occidentaux acteurs de ce génocide) utilise et comprend. Utiliser un mot spécial, le mot hébreu pour un génocide commis en Europe met ce génocide à part des autres - il y en a eu beaucoup au cours des siècles -, les minimise et prouve que celui concernant les Juifs est unique,exceptionnel dans l'Histoire et le restera toujours. Certains utilisent le mot judéocide, d'autres le mot holocauste (connotation religieuse). Je lui préfère le mot génocide, simple, clair et net et reconnu par le droit international.

Otages israéliens : parmi les personnes enlevées le 7 et 8 octobre, il y avait des civils et des militaires : des otages et des prisonniers. De même parmi les milliers de personnes enlevées et emprisonnées sans jugement à Gaza et en Cisjordanie. Alors tous otages ? Ou tous prisonniers ? Je penche pour ce second mot. Ou alors tous captifs car capturés ?

Il y a sûrement d'autres mots à repérer et décoder. Ceci est une ébauche, à vous de compléter. .

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